De 1953 à 1959, comme journaliste de jazz ou dans le cadre de ses fonctions artistiques dans l'industrie du disque, Boris Vian a écrit ou traduit — de l'américain ou de langues imaginaires — près de 150 textes qui ont été publiés au dos de pochettes de disques de pointures telles que Louis Armstrong, Duke Ellington, Miles Davis, Screamin Jay Hawkins, mais aussi Raymond Devos, Edith Piaf, Zizi Jeanmaire et ses amis et complices Henri Salvador et Magali Noël. Si certains de ces textes sont relativement conventionnels, ils ont au moins du style et ils reflètent à merveille la passion joyeuse de leur auteur pour la musique et les variétés, et son respect pour le public. Mais il y a surtout ses textes où il est en totale rupture avec les normes du genre et ses impératifs commerciaux. Ironiques, burlesques, insolents, fous d'imagination, ils se lisent comme de courts chapitres d'un roman, qu'entre Vercoquin et le plancton et L'Ecume des jours, Boris Vian n'aurait pas eu le temps d'écrire, des passages oubliés d'En avant la zizique ou des Chroniques du Menteur qu'il aurait omis de donner aux Temps Modernes. Leur plus grand attrait est peut-être, avec la jubilation dans laquelle ils nous entraînent, de nous montrer une fois, encore que pour Boris Vian, qu'il soit romanesque, poétique, journalistique, épistolaire ou rétro-discographique, le travail de l'écrivain ne se partage pas. Et que dans la diversité de sa création, Jack K. Netty, l'un des vrais faux-auteurs qu'il s'amuse à soi-disant traduire, est juste le frère de Jean-Sol Partre.
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